Nuit. La couleur noirâtre du ciel dominait, laissant trôner fièrement sa reine Lune. Les quelques lampadaires qui meublaient la rue étaient allumés. Nuit, il faisait nuit. A peine venait-elle de sortir du grand bâtiment suintant le sexe que les lumières l’éblouirent. Une grimace vint rapidement se peindre sur le visage de la jeune fille. Cette dernière se déplaça avec difficulté sur le macadam sali. A vrai dire, elle ne venait de faire que quelques pas. Un ou deux pas, sûrement pas plus. Sortie de night club. ‘‘Lâche-moi, putain. Lâche-moi.’’ rugit-elle. Et d’un geste violent, elle tenta d’échapper à ce garçon alcoolisé qui venait de lui attraper le bras, afin de la rattraper. Quelques paroles inaudibles s’échappèrent de la bouche de ce gars. Impossible pour la jeune fille de comprendre ce qu’il tentait de lui dire. Qu’importe après tout, elle voulait s’échapper de ses griffes et se casser d’ici. Les jambes ankylosées, le corps épris de quelques substances merdiques qui lui donnaient cette putain d’impression d’être vivante. Soirée défonce. Une soirée de plus. Elle inspira un instant et puis ne lâchant rien, elle réussit enfin à parvenir à ses fins. ‘‘Vas-y. Dégage maintenant.’’ finit-elle par lui dire. (…) Elle tira le bas de sa robe. Robe bien trop courte pour couvrir la moitié de ses cuisses. Puis le vent nocturne vint caresser son corps peu vêtue. Elle frissonna. Sûrement de froid. Très certainement même. Il n’y avait pas d’autres raisons à vrai dire. Elle tituba alors dans la rue morte. Rue morte sans vie. Polly était la seule à lui donner une âme. Elle était la seule à lui donner un soupçon de vie. Un soupçon de vie éphémère. Ephémère comme cette soirée. Elle avança laissant derrière elle cette soirée. Soirée sans intérêt encore. Quelques verres (beaucoup même), de la coke ou autres cachets, des pas de danses, des baises langoureux, des mains qui vinrent se balader jusqu’à sous ta culotte, des mains qui te pelotent tes petits seins. Une soirée qui ne rimait à rien. Et pourtant demain soir serait ce même refrain. De nouveaux ces quelques verres, ces quelques cachets et puis de nouveaux mecs qui tenteront encore de venir s’aventurer dans ton jardin interdit. Tous les soirs, c’était la même chanson. La chanson de la fille qui n’avait pas de destin. La chanson de la fille sans espoir. La chanson de la fille désespérée. De la fille sans âme.

(c'est de la grosse merde, tu m'excuseras mec. ♥)

A chaque pas que nous faisons, nous avançons vers la mort. A chaque bouffée d’air, nous consommons notre oxygène. A chaque geste, nous acceptons nos actes. Beaucoup cherche à fuir leur passé en tombant dans différentes drogues. Et elles sont nombreuses: cannabis, coke, shit, alcool. Enfin tout est fait sur cette terre pour que notre cerveau puisse oublier la vie que nous cherchons tous à fuir. Ces gestes que nous avons entreprit, cet oxygène que nous brûlons la journée, ou encore ce pas devant l’autre prêt à tomber dans la fosse. Nous avons tous besoin un jour d’oublier, et de tomber dans l’anonymat. L’homme est en recherche d’une identité, mais quand il se trouve, il cherche à se fuir. La connaissance fait fuir.
Dans les rues inanimées de L.A, marchait un jeune homme sans but mettant un pas devant l’autre, sans réfléchir. Seule le ballotement de son corps mouvementait cette rue morte. Nino avait un but ce soir, oublier qui il était. Devenir un anonyme aux yeux des gens. S'oublier lui-même.
Arrivé sur le boulevard, il entreprit de traverser, quand au milieu de la route, une voiture vint dans sa direction. Elle avançait, et bloqué par la peur et la lumière de la voiture, Nino restait statique. La voiture vrombissant continuait sa course. Plus que quelques mètres, et se serait le choc. Un crissement de pneu, un coup de volant. L’automobile frôla le jeune homme qui n’avait toujours pas bougé. Des abrutis sur le bord de la route l’interpellais. Mais rien ne le faisait bouger. C’est au bout de quelques minutes, qu’il daigna enfin remettre un pas devant l’autre. La vie ne tient qu’à un fil, mais quand on ne tient plus à la vie, ce fil même est déjà effiloché et prêt à céder.
Arrivé sur le trottoir d'en face, il se retrouve devant un night-club. Une jeune fille en sortait dans un état second, avec aux basques un jeune homme un peu trop insistant. Elle réussit a se débarrasser de lui, et continuait sa route.
Nino dans l'espoir de faire de sa soirée une grosse connerie, il se dirigea vers le pauvre type complètement défoncé, et lui donna un coup de boule. Au moment de l'impact, il put voir de minuscules étoiles tourner autour de sa boite crânienne. Le mec tomba K.O.
Shooté à l'adrénaline, Nino suivit la jeune fille dans les rues de la ville. Il pouvait reluquer son beautiful ass . La robe laissant deviner aisément les dessous de cette mignonette. Pendant une bonne dizaine de minute, il la suivit dans l'espoir qu'elle se retourne, et lui parle. Mais elle n'en fit rien.
Nino, donc, marcha d'un pas décidé pour arriver à sa hauteur. « Hello stranger! » lâche-t-il.

Ses talons claquaient sur le macadam. Telle une pouliche trottant, elle avançait dans le noir. Elle ne savait pas trop où elle allait. Très certainement rejoindre son van, garé quelques mètres plus loin. Rentrer chez-elle, voilà ce qu’elle comptait faire. Ce genre de chose que n’importe qui ferait après une soirée que l’on jugerait d’alcoolisée. Après tout au fond, elle était mademoiselle tout le monde. Être tout le monde, c’était presque une insulte. Une injure, oui. Et perdue dans ses pensées, elle marchait encore. Encore et toujours. Ne prêtant plus attention aux bruits parasites qui pouvaient l’entourer, elle s’enfonçait dans ce néant sonore. Le vide. Et c’est alors que soudainement, une voix vint briser toute ses espérances d’apocalypse. ‘‘Hello stranger !’’ avait prononcé ce quidam. Encore un enfoiré qui s’était goinfré à l’alcool, cocaïne et autres merdes qui nous rendaient tous vivants. Tous, sans exception. ‘‘Ta gueule, connard.’’ lâcha Polly, ne prêtant même pas un regard à celui qui venait de lui adresser la parole. C’est ainsi qu’elle continua sa route. Après quelques pas, elle pouvait entendre les pas quasi-muets de cet inconnu qui la suivait. L’idée de se savoir suivi ne lui plaisait pas du tout, bien au contraire. Alors qu’une personne normalement constituée aurait accéléré la cadence de sa marche, Polly garda son allure. Faisant toujours claquer ses talons. Après quelques minutes, cette présence semblait l’agacer. Beaucoup l’agacer même. Alors, la jeune fille se stoppa nette. Et se tourna vers ce type. Et sans même faire attention à l’identité de celui qui se trouvait en face d’elle, elle lâcha un : ‘‘Bon allez, casse-toi maintenant, tu me gonfles !’’.
Elle fronça des sourcils, essayant d’observer un trait de ce fameux inconnu qui la gonflait. Silencieuse, elle le regarda. Longuement. Jusqu’à ce que, tel un électrochoc, elle crut le connaitre. Ou plutôt le reconnaitre. Elle entrouvrit la bouche une première fois afin de l’essai émettre un son, mais rien. Rien ne sortit de sa bouche. Elle tenta une nouvelle fois. Peut-être était-ce la bonne, cette fois-ci. ‘‘Nino ?’’ réussit-elle par dire. L’hésitation et le doute venait se mêler à sa voix. Puis elle secoua la tête comme pour se faire à l’idée que ça ne pouvait pas être lui. Peut-être l’avait-elle mal reconnu. Après tout, elle était proche d’un état secondaire bis. Puis elle se disait : tant pis. Tant pis si ce n’était pas lui, elle se serait trouver un compagnon de fortune pour cette nuit éphémère. ‘‘Qu’est-ce que tu fous là ?’’ lui demanda-t-elle tout en cherchant dans son sac une cigarette. Elle la mit à sa bouche avant de partir à la quête d’un briquet. Elle tâta ses habits, puis zyeuta dans son sac : rien. ‘‘T’as pas du feu ?’’.

Les insultes atterrissait dans sa face, tels des cailloux en plein dans la gueule. Une violence hors du commun pour Nino, qui avait rencontré la jeune femme en de rares occasions, et qui paraissait si douce et charmante. Aurait-elle une double vie ? Miss Sainte-Ni-Touch’ la journée, pour se transformer en une énorme connasse alcoolisée la nuit. Même sa tenue vestimentaire aurait laissé supposer une personne qui lui était étrangère.
Polly se tourna vers le jeune, sans un vacillement, tel une voiture de sport utilisant son frein à main dans un virage beaucoup trop serré. « Bon allez, casse-toi maintenant, tu me gonfles ! »
« Charmant ! » La jeune femme fronça les sourcils, la voix du jeune homme lui laissant le doute sur son identité. Et comme une révélation du saint-esprit. « Nino ? » Mais certaines fois, les gens ont dû mal à faire face à la réalité. Et ainsi, comme pour enlever un mauvais rêve, elle secoua la tête. Cependant, le type qu’elle avait traité de connard quelques minutes plus tôt était toujours l’identique personnage. Elle ne rêvait pas. « Qu’est-ce que tu fous là ? »
« Je pourrais te poser la même question ! » Ce soir, Nino souhaitait oublier sa vie qu’il n’aimait pas. Il voulait devenir une autre personne. Se mettre dans un état tellement second que le lendemain, il ne pourra même plus se souvenir de son prénom tellement l’alcool circulera encore dans son sang. Il l’observa, et comme dans un cartoon, une ampoule s’alluma au-dessus de sa tête. Il venait de comprendre, la jeune femme en cette nuit sombre était son parfait miroir. Elle était lui. Lui était elle. Tous les deux souhaitaient s’oublier. S’anesthésier à l’alcool, se poudrer le nez à la cocaïne, baiser jusqu’à suinter chaque pores de leur corps. « T’as pas du feu ? »
Machinalement, il glissa sa main dans la poche de son pantalon pour récupérer le zippo de ses dix-huits ans, et actionna la flamme. Elle l’effleura du bout de sa blonde, inspirant la première bouffée. La meilleure, dit-on.
Ses mouvements étaient gracieux, tel une féline de la savane. Elle arrivait à le capter, se faire désirer. Et ce soir, en la voyant, Nino n’avait qu’une envie : se la faire ! Il pourrait dire baiser, mais le terme ne serait pas le bon. En la croisant, il savait qu’il se passera, se passe quelque chose de fort entre eux deux. Il ne peut pas se l’expliquer pour le moment, mais elle était ’’genre ‘’ sa moitié. S’il y croyait bien sûr. Mais une chose est certaine, c’est qu’il ferait tout pour être avec elle. Mais dans son état tellement attardé de cette soirée, il planta son regard sur elle « Je te veux maintenant, dans cette rue. » Il plaqua la jeune fille contre le mur de brique rouge du bâtiment qui les supplantait, les mains de Polly au-dessus de sa tête. Il l’embrassa, laissant gambader ses mains sur son corps. Elle transpirait le désir. Aux yeux de Nino, Polly était devenu son Saint Graal. Leurs lèvres a quelques centimètres l’une de l’autre, il l’embrassa de nouveau. Lui mordillant légèrement, gentiment la lèvre inférieure. « Embrasse-moi » chuchota-t-il.

A peine venait-elle de prononcer sa question qu’une maigre flamme vint au contact de sa belle blonde. Aussitôt allumée, la jeune fille la retira de sa bouche. Crachant par la même occasion un peu de fumée. Elle en profita pour marmonner un semblant de remerciement, certainement un ‘‘merci’’ ou bien une autre formule très brève de politesse. Puis elle se tut avant de se tourner vers la route qui se dessinait droit devant elle. Cette route, le chemin qui la mènerait quelque part. Quelque part, douce destination. Alors qu’elle guetta de l’œil ce type, cet inconnu, elle fit d’infimes pas devant elle. La faisant avancer de trois ou quatre minables mètres. Laissant certainement derrière elle, son compagnon éphémère. Enfin cela, c’est ce qu’elle croyait. En une fraction de secondes, elle venait de se retrouver plaquer contre ce mur peu confortable pour son dos. ‘‘Je te veux maintenant, dans cette rue.’’ avait-il dit. A vrai dire, les paroles de ce garçon ne percutèrent même pas l’esprit de Polly. Elle ne brancha pas, essayant de trouver un soupçon de pensée. Elle fronça légèrement les sourcils alors qu’elle sentait les mains de ce, très certainement, pervers qui se baladaient sur ce corps assez dévêtu. Et puis elle se laissa faire. Comme si elle n’avait pas d’autres solutions. C’était la seule solution pour elle. Puis ses lèvres se retrouvèrent collées à celles de ce type. Presque forcée. Elle se laissa emporter dans cet élan luxurieux. Et puis le baiser se termina, un baiser un peu trop sauvage au goût de certain. ‘‘Embrasse-moi’’ venait-il de lui murmurer. L’embrasser… Et dans un élan de semblant dégout, elle le poussa. ‘‘Et t’as cru quoi mec ? Que t’allais pouvoir brouter le gazon comme ça ? Ca marche pas comme ça avec moi.’’ lui cracha-t-elle. Alors qu’elle venait de se taire, elle vint déposer un baiser sur la joue de ce garçon. Vous savez ce genre de baiser naïf, un brin enfantin. Ce petit geste qui pouvait tout signifier, ce geste rempli de délicatesse et d’affection. Après quoi, elle se tira de ses griffes. ‘‘Allez, bon vent. Ou bonne baise ?’’. Et sur ces brèves salutations, elle partit.

Alors qu’elle venait de faire plusieurs mètres, Polly s’arrêta. S’arrêta nette, laissant tomber nonchalamment ses bras le long de son corps. Comme affaiblie par cette marche. Inconsciemment, elle se retourna regardant le jeune homme qu’elle avait laissé derrière elle. ‘‘Je connais un endroit mieux que la rue. Tu viens ?’’ lui lança-t-elle, sans bouger de l’endroit où elle stationnée. Tu viens, retournement de situation. Sa voix faisait écho dans la rue silencieuse. ‘‘Sérieux, la rue, ça fait grosse pute en manque, c’est dégueulasse.’’ continua-t-elle avant de se taire.

Comme une lionne, elle s’effaça de ses bras. Puis, avec la force du maman gorille en furie, elle rejeta Nino de son espace vitale. « Et t’as cru quoi mec ? Que t’allais pouvoir brouter le gazon comme ça ? Ca marche pas comme ça avec moi. » Tel un glaçon dans le désert, le jeune homme se liquéfia sous son regard hargneux. Il faut avouer qu’il le méritait. Profiter d’une jeune femme en état d’ébriété n’était pas une des meilleures de l’aborder. Mais son envie de sexe était plus forte que toute, et surtout son attirance à elle. Cela faisait-il de lui un pervers?
Polly le laissa choir dans la rue déserte. Les battements de ses talons lui poignardaient le cœur à chaque note. Elle s’éloignait, elle lui devenait inaccessible. Bien fait pour toi, pensa-t-il. Ayant perdu l’espoir qu’elle se retourne sur lui une dernière fois, le plus improbable se produisait. « Je connais un endroit mieux que la rue. Tu viens ? » Elle s’était retournée pour l’inviter lui. L’inviter à ce qu’il souhaitait. « Sérieux, la rue, ça fait grosse pute en manque, c’est dégueulasse. » Quand elle prononça ces paroles, Nino se rendit compte qu’au fond, elle n’avait pas tort. Sa réaction avait été puérile. On aurait dit un ado pré-pubère ne pouvant pas attendre d’être dans la chambre. Un précoce, mais au fond, il voulait jouer sur le désir. Or il faut se rendre à l’évidence, il s’était craqué. Polly s’était barrée, certes elle avait marche arrière, mais fuit en premier lieu.
Et pour une fois, il se comporta comme un adulte. Nino l’a rejoint sans dire un mot, tel un enfant accompagnant sa maman. Il sortit de sa poche un pétard. L’alluma et tira une latte. L’épaisse fumée emplit l’air qui les entourait. Laissant derrière eux une trace de leur passage. Nino tendit le bédot à Polly. Le fait d’effleurer sa main le ravit. Il avait envie d’elle. « Je vous suis mam’zelle ! »