Aurora regarda une énième fois par la fenêtre de sa chambre, donnant sur la petite rue. Toujours ce même panorama qu’elle pouvait observer depuis une heure au moins. La nuit, ses lampadaires qui éclairèrent le chemin de quelques âmes perdues, quelques voitures qui passèrent sous son regard et puis rien. Il n’y avait rien d’autre à regarder. La petite blonde soupira bruyamment, faisant de la buée avec sa propre bouche. Ce petit bruit produit par la bouche de la jeune fille vint alors intriguer la grande curiosité de Ren. Ren, ce petit con qui lui servait accessoirement de frère jumeau. « Héé ! Tu mates quoi par là ? » lui demanda-t-il en entrant en fanfare dans la chambre d’Aurora. Un large sourire jusqu’aux oreilles s’était dessiné sur les lèvres du garçon. Les deux pieds dans la pièce, il ne put s’empêcher de faire tout le tour avant de s’arrêter face à sa sœur. Silencieux, il l’examina longuement. De haut en bas. Avant de faire une ou deux réflexions comme toujours. « Putain, t’es bonne. Nouvelle robe, je me trompe ? » lui fit-il remarquer. Il passa sa main sur son penseur, comme prenant la pose glorieuse du penseur. Aurora leva les yeux au ciel, ou plutôt au plafond. Puis un soupir désespéré s’échappa de sa bouche. « Tu as faux sur toute la ligne. » souffla-t-elle en le désignant du doigt. « C’est toujours la même robe. ». Cette même robe qu’elle mettait lors des grands événements, lors des repas de famille, lors des mariages, des baptêmes, des enterrements, lors des bals de fin d’année du lycée. Cette même robe usée par le temps, cette petite robe initialement blanche devenue quelque peu écrue avec ses micro-trous par endroit. Ce bout de tissu qu’elle avait chiné dans une friperie il y a de cela trois ou quatre ans. Il fallait dire que la famille Golding ne roulait pas sur l’or. Déjà qu’ils avaient du mal à payer les factures d’électricité, d’eau et de téléphone alors imaginez ce que c’est de pouvoir s’acheter des habits. Ren haussa les épaules quelque peu surpris. « Hum alors si ce n’est pas ta robe… il y a un truc différent sur toi… ». Il plissa les yeux, cherchant avec effort ce ‘truc différent’ comme il le disait si bien. « Ah ! Tu t’es maquillée, c’est ça, non ? » lui demanda-t-il. Presque fier de sa trouvaille. « Je ne me maquille jamais, Ren… ». Aurora le poussa légèrement et se dirigea vers sa table de nuit. Elle fit quelques pas en silence et chipa son cellulaire. « Soit. Enfin retiens juste que t’es bo… très belle. » conclut alors son frère. Le regard de la jolie blonde se posa sur lui et un petit sourire vint illuminer son visage. « Je pourrais en dire autant de toi. D’ailleurs, c’est quand que tu me présentes ta nouvelle petite-amie ? ». Aurora prit le temps de ranger son téléphone mobile dans la poche de son gilet en laine qui se trouvait sur son lit. Après quoi, elle enfila le long morceau de laine tricoté. « Ma copine ? Ah… tu dois parler de Lisa. Arf laisse tomber, je vais la larguer. Elle est pas intéressante ! » broncha-t-il. « Ca ne fera juste que la… je ne sais pas combien de nanas que je largue en moins de quatre mois. ». Aurora ne put s’empêcher de sourire quelque peu amusé. Sacré phénomène ce Ren. « Tu m’impressionneras toujours… ».
« REN ! AURORA ! Descendez ! » hurlait leur père. Descendre. Sûrement parce que Luna était arrivée. Depuis le temps qu’Aurora l’attendait. Car oui, c’était bien elle que la jeune fille guettait par la fenêtre. Les deux jumeaux se lancèrent un regard complice et emboitèrent le pas l’un après l’autre. Arrivés en bas, Ren et Aurora se stoppèrent à la dernière marche de l’escalier. Regardant leurs parents saluer Luna, leur fille ainée et son nouveau petit-ami. Encore un. Luna avait toujours eu le chic de ramener des garçons friqués à la maison. Encore un mec bon chic bon genre. Un de plus. Luna, elle avait de la chance. Luna, la chanceuse. De toute la famille, c’était sûrement elle qui respirait le plus le bonheur. Aurora l’enviait, oui. Aurora, celle qui s’était fait jeter par son unique amour, celle qui galérait à ramener de l’argent à la maison. « Ca va, il a l’air mieux que le Vincent. » souffla Ren au creux de l’oreille de sa sœur jumelle. Cette dernière observa longuement le jeune homme avant de faire un signe de la tête comme pour affirmer les dires de son frère.