Incendiaire, poufiasse, salope, trainée, petite catin, pute, aguicheuse… et les mots semblaient faibles. Quand l’on évoquait le prénom d’Eraelle, c’était sûrement l’un de ces termes qui nous vient à l’esprit. On la pensait tous comme cela, c’est vrai. Toi, moi, nous et lui… Lui, le premier. Lui, Konrad. Il aimerait tant pouvoir le faire. L’insulter, la traiter de tous ces petits noms salaces. Et pourtant, il ne le pouvait pas. Non, il ne le pouvait pas. Bien trop faible. Bien trop impuissant. Silence. Elle se trouvait en face de lui. A quelques centimètres de lui, à quelques dizaines de centimètres de lui. Lui, Konrad Goodwin l’impuissant. Autour d’eux… personne. Ou plutôt, si. De nombreuses personnes assis, des bouquins sous le nez, à respirer les pages. Mais ceux-ci, Konrad semblait en faire abstraction et n’avait d’yeux que pour la jeune fille qui se trouvait en face de lui. Le nez dans son bouquin elle aussi, inspirée par sa lecture, à respirer chacun des mots qu’elle pouvait percevoir. Elle était belle, Eraelle. S’était-il surpris à penser. Elle était belle… Une belle incendiaire certainement. Un petit sourire se dessina sur les lèvres de Konrad qui en oublia presque l’endroit dans lequel il se trouvait. La bibliothèque. Ici, plus rien existait à ses yeux, sauf elle. Plus rien ne l’intéressait, sauf elle. Elle et encore elle. Elle, encore et toujours. Il ferma une microseconde ses paupières avant de les ouvrir de nouveau, comme s’il avait peur qu’elle disparaisse. Qu’elle disparaisse… oui, il avait peur de cela. Il avait peur de la perdre aussi, peut-être. La perdre… Il ne pouvait pas se l’imaginer. Et c’est alors qu’un presque inaudible « je t’aime » sorti de la bouche du jeune homme. Il l’aimait. Il l’aimait si fort. Si fort qu’elle ne pouvait pas l’entendre. La prononciation de Konrad était alors muette, ne déconcentrant pas Eraelle.

Un raclement de gorge. Puis il prit de nouveau la parole. « Era… ? » dit-il à voix haute avant que de nombreux regards assassins se déposent sur lui. L’air désolé, il se tut une nouvelle fois. « Pssst… tu m’écoutes quand je te parle, Era ? » lui chuchota-t-il alors.